Provenance :
- Opera de Santa Maria del Fiore, Florence.
- Collection privée Ombrie, Italie (depuis 1980)
Expositions :
- A. Del Priori, in Rinascimento Segreto, a cura di Vittorio Sgarbi, pp. 188-191, n. 10
Composé de deux parties en cuivre doré soudés autour d’une âme en bois, la croix est entièrement décorée d’étoiles sur un fond en émail bleu.
Au recto, apparait le Christ au long périzonium, au jambes fléchies et aux pieds superposés, modelé en ronde-bosse, entouré de Dieu le père bénissant, la Vierge Marie, Saint Jean et Saint Philippe l’apôtre.
Derrière la figure du Christ, on aperçoit le pélican nourrissant ses jetons de ses entrailles symbolisant le sacrifice du Seigneur; a ses pieds le soleil et la lune symbolisent l’éclipse que accompagna l’agonie de Jésus. Un tondo doré sur le fond étoilé abrite la marque de OP(er)A, symbole de Santa Maria del Fiore, cathédrale florentine.
Au verso, on retrouve les quatre évangélistes accompagnés de leurs attributs (tetramorphe) ainsi que Saint Antoine l’Abbé ; à l’intersection figure l’ Agnus Dei symbole de l’Arte della Lana, un des sept arts majeurs de Florence qui finança la réalisation de la cathédrale.
Le programme iconographique invite le fidèle à respecter l’enseignement des Evangiles et à parcourir a travers le sacrifice (symboles du pélican et de l’Agneau) la voie de la Rédemption qui conduit au Paradis de Dante, en particulier celui du VIII ciel, celui des « étoiles fixes » ou la multitude des lumières des âmes triomphantes reflètent la lumière que le Christ leurs transmet : « Ecco le schiere/ del triunfo di Cristo e tutu ‘l frutto/ricolto del girar di queste sfere!/ (…) vid’i’ sopra migliaia di lucerne/ un sol che tutte quante l’accendea,/ come fa ‘l nostro le viste superne » (Dante Alighieri, Media, Paradiso, XXIII, 19-30).
Plusieurs élément nous permettent de lier cette croix au contexte florentin de Santa Maria del Fiore.
Tout d’abord la présence de la marque OPA, abréviation pour Opera del Duomo, aussi connue comme Opera di Santa Maria del Fiore (littéralement « oeuvre de la cathédrale ») l’institution laïque fondée en 1296 par le République de Florence afin de suivre les travaux de construction de la cathédrale et ensuite en préserver le patrimoine sacré. L’opera ou fabriceria était formée de sept membres dont deux étaient nommé par l’évêque et cinq par un sorte de ministre de l’intérieur.
Une croix similaire au fond étoilé est exposé au Musée de l’Opera del Duomo de Florence. Longtemps attribué à Luca della Robbia, cette rare orfèvrerie est aujourd’hui reconnue comme l’oeuvre commissionnée à Antonio Salvi et Michelangelo di Viviano (père de Baccio Bandinelli) en 1514.
Un autre élément qui lie cette croix à l’Opera de la Cathédrale florentine est la présence de Saint Philippe et de Saint Antoine l’Abbé: à Santa Maria del Fiore sont conservés les reliques des deux Saints pour lesquels furent commissionnés deux précieux reliquaires (aujourd’hui exposés dans le musée de la cathédrale; le premier débuté en 1398 par un orfèvre anonyme et terminé en 1425 par Antonio del Vagliente; le deuxième réalisé en 1514 par Antonio di Salvi).
Cette croix devait accompagner en procession les reliquaires des Saint Philippe et Saint Antoine et était vraisemblablement exposée à côté de ces orfèvreries au Baptistère de Florence .
Caractérisée par des traits archaïsants typiques de l’orfèvrerie Renaissance, dans cette oeuvre se mêlent intimement les formes héritées de l’art médiévale et le répertoire propre a la première renaissance: on retrouve les échos du style des maitres florentins du moitié Quattrocento tels que Mino da Fiesole, Rossellino et Gregorio di Lorenzo.
Les formes du gothique s’étaient si durablement imposées dans l’art des orfèvres entre le XIIe et le XVe siècle qu’elles restèrent longtemps perceptibles au XVIe ; face aux progrès de la Renaissance, elles opposèrent même une résistance d’autant plus nette que l’organisation des corporations était propre à encourager un certain traditionalisme.
La morphologie du Christ au rendu athlétique et aux abdominaux marqués révèle de l’influence de Donatello mais aussi du nouveau langage de Benedetto da Maiano et des Sangallo.
La frontalité du Christ dont la tête tombe de façon inusuelle sur le devant au lieu de s’appuyer sur le coté, s’inspire du Crucifix de Antonio del Pollaiolo in San Lorenzo à Florence, alors que le peryzonium long et noué sur le devant semble être un compromis entre les modèles du XV siècle et les oeuvres contemporaines, une solution visible dans des nombreuses croix astiles florentines (dont la Croix du Musée de l’Opera del Duomo ou encore une du Bargello provenante du Monastère de Saint Gaggio), dans le Crucifix en bois de Saint Jacopo inCampo Corbolini et dans le Saint Jean Baptiste en argent que Michelozzo modela pour le Baptistère de Florence. L’oeuvre est uniforme dans son inspiration à Pollaiolo : particulièrement proches apparaissant la Vierge de notre Croix et la figure féminine que clôture sur la droite la scène de la Naissance de Saint Jean Baptiste du dossale en argent (La Croce et l’Altare 2012, pp. 44-47) réalisé par Pollaiolo peut être en collaboration avec son jeun élève Paolo di Giovanni Sogliani, lequel à partir de 1501 fut élu orfèvre de l’Opera du Duomo.
C’est justement à Sogliani, sur la base de nombreuses comparaisons stylistiques, que il faut attribuer notre croix: les figures des Evangélistes et des autres Saints répètent les physionomies des deux anges du Reliquiario del Libretto (1501) et du Christ qui trône sur le sommet (voir Argenti Fiorentini 1992, pp. 24-28).
La Croix est d’un point de vue stylistique très proche des oeuvres réalisés par Sogliani au début du Cinquecento. Toutefois, la présence de Saint Antoine Abbé la rapproche de 1514 quand fut terminé le reliquaire du Saint et commissionnée la Croix en argent décorée du même fond étoilé, indice d’une possible double réalisation des trois oeuvres.
Bibliographie :
- Il Museo dell’Opera del Duomo a Firenze, II, a cura di L. Becherucci, G. Brunetti, Milano, 1970
- A. Del Priori, in Rinascimento Segreto, a cura di Vittorio Sgarbi, pp. 188-191, n. 10
- D. Liscia Bemporad, Storie d’Argento. L’altare e la croce di San Giovanni, la Croce e l’Altare d’argento del Tesoro di San Giovanni, a cura di T. Verdon, Modena 2012, pp. 11-34
- D. Liscia Bemporad, L’oreficeria a Firenze nella prima metà del Cinquecento: Paolo di Giovanni Sogliani, in Storia degli Studi dell’Arte Medievale e Moderna nel centenario della nascita di Mario Salmi, Atti del Convegno Internazionale (Arezzo – Firenze 1989), Firenze 1992, II, pp. 787-800
- Argenti Fiorentini dan XV al XIX secolo. Tipologie e marchi, a cura di D. Liscia Bemporad, Firenze 1992