dei bardi art

Tapisserie de la Manufacture de Bruxelles – Histoire de David

Belle tapisserie de Bruxelles en laine et soie du XVI siècle; monogramme par l’atelier du tisserand en bas à gauche. 

La tenture relate l’histoire de David, en particulier l’episode de la lutte du jeun pasteur contre les fauves: le lion et l’ours.

La bible décrit la lutte de David contre Goliath, qui doit mettre un terme à la guerre opposant les Philistins au peuple d’Israel. Au coeur de ce récit  est inséré par un procédé de construction en abîme, le récit des combats antérieurs de David contre le lion et l’ours. 

L’affrontement avec Goliath reste l’un des plus célèbres épisodes de ces guerres entre Israël et les Philistins : originaire de la ville de Gath, le Philistin, un géant de 2,80 mètres, vient défier en combat singulier l’armée d’Israël pendant 40 jours, sans qu’aucun adversaire n’ose se présenter. C’est David, laissé à l’écart de la guerre car trop jeune pour combattre, qui se propose, seul, de l’affronter lorsqu’il vient ravitailler ses frères en nourriture.

La scène principale représentée sur la tapisserie est celle du combat de David contre les fauves qui  a pour but de convaincre le rois Saül de le laisser affronter le géant en dépit de sa jeunesse. La clef de l’episode est la foi qui anime David et la protection divine qui explique son étonnant victoire : «  Quand ton serviteur faisait paître les brebis  de son père et que venait un lion ou un ours qui enlevait un brebis du troupeau, je le poursuivais, je le frappais et j’arrachais celle-ci de sa gueule. Et s’il se  dressait, moi, je le saisissais par les poils du menton et je le frappais à mort. Ton serviteur a battu le lion et l’ours, il en sera de ce Philistin incirconcis comme de l’un entre eux, puisqu’il a défié les troupes de Dieu vivant. David dit encore: le Seigneur qui m’a sauvé de la griffe du lion et de l’ours me sauvera des mains de ce Philistin. Alors Saül dit à David: Va, et que le Seigneur soit avec toi ». (Samuel 17:34-37)David est le berger de son père Jessé. On y a vu très tôt une figure du Fils de Dieu devenu fils de l’homme pour se manifester à l’humanité. David berger qui, au péril de sa vie affronte les fauves pour assurer le salut des brebis, était une évidente figure du Bon Pasteur « qui donne sa vie pour ses brebis ».  

La tapisserie s’inscrit dans une belle et large bordure à compartiments richement décorée. Elle est représentative de nombreuses séries bruxelloises du troisième quart du XVIe siècle et déploie le style grotesque, popularisé par l’école de Raphaël dans la première moitié du XVIe siècle mêlant sphinges, vases, guirlandes de fleurs et édicules à colonnettes.

Cette brillante décoration s’inspire des peintures de la Domus aurea (Maison dorée) découverte à Rome en 1493. Remplies d’allégories animales empruntées aux traités de la fin de l’Antiquité, comme ceux de Pline, ces images constituent autant d’allusions aux qualités morales illustrées dans la scène centrale. 

Les vertus qui trônent aux quatre coins de la tapisserie sont typiques de la fin du XVI siècle et sont récurrentes dans les ateliers de Bruxelles, tournai et enghien.  

Quatre episodes de l’histoire de David insérés dans la bordure complètent le programme iconographique de la scène centrale: dans la partie supérieure de la tapisserie figure la scène de David qui decide d’affronter Goliath armé seulement d’un baton de berger et une pierre plate; du coté opposé, dans la partie inférieure de la tapisserie figure la morte du géant par main du jeune David. 

A gauche, une autre scène décrit David à la cour de Saül pour jouer avec sa harpe une musique apaisante afin de tirer le roi de ses accès de depression. 

Du côté opposé, on voit David qui se rend au camp des israéliens pour apporter de la nourriture à ses frères engagés dans la bataille contre le philistins et à ce moment il entend le défis de Goliath d’envoyer quelqu’un se battre contre lui.  Saül offre à David les armes pour affronter le géant mais le jeun pasteur decide de combattre sans armure sachant de pouvoir compter sur la protection de Dieu. 

La tapisserie, élément de confort, protégeait contre le froid et les courants d’air, ornait les murs des résidences, mais était aussi un vecteur d’apparat. La clientèle européenne du XVIe siècle en quête de prestige est héritière des codes médiévaux, notamment de l’esprit chevaleresque, continue de passer d’importantes commandes aux ateliers de tapisserie. 

Bien qu’il existe toujours des tapisseries à motifs répétitifs et décoratifs comme les verdures ou les armoriales, les tapisseries historiées rencontrent un intérêt croissant au XVI siècle. Leur sujet permet souvent d’évoquer un trait de caractère, une vertu ou un épisode de la vie du commanditaire.

Les cycles de tapisseries, tout autant que la peinture d’histoire, se prêtent idéalement à la glorification des héros et de leurs valeurs à travers le choix des épisodes relatés.

Durant des siècles, le textile fait la réputation de Bruxelles qui devient une place forte du marché du luxe européen. Supports de dévotion ou médium au service du pouvoir, les tapisseries bruxelloises s’exportent partout en Europe

Des ducs de Brabant aux ducs Bourgogne, en passant par la cour de l’empereur Charles Quint, le  drap de Bruxelles est très en vogue durant toute la période qui chevauche le Moyen-Âge et les Temps Modernes, et voyage jusqu’à la cour du roi de France ou du pape à Rome, du château de Cracovie aux demeures londoniennes d’Henry VIII. C’est le produit de prestige le plus cher qui existe en Europe à ce moment-là.

En raison de leur excellence technique et artistique, les ateliers de tissage bruxellois jouissent d’une réputation internationale. On admire en particulier, la capacité des tapissiers à rendre au moyen de fils de couleurs des effets de textures, de lumière, d’ombre ou de relief comparables en nuances de la peinture ; la qualité des matières premières très coûteuses ainsi que la qualité des compositions. Les fresques mobiles du Nord, comme on les a désignées, occupent alors la première place dans l’apparat des résidences princières et certains artisans bruxellois vont même s’expatrier aux quatre coins de l’Europe, souvent à proximité des lieux de résidence des monarques. 

Bibliographie:

M. Dulaey La lutte de David contre les monstres: le lion, l’ours, Goliath (1 R 17) dans Rois et Reines de la Bible au miroir des Pères, Cahiers de Biblia Patristica, Strasbourg 1999, pp. 7-51 

Demeter, Stéphane, Marc Meganck, et Cecilia Paredes. « Bruxelles et la tapisserie à la Renaissance : l’atelier dans la ville », Studia Bruxellae, vol. 11, no. 1, 2019, pp. 11-45