Portrait de savant dans sa bibliothèque
Huile sur toile, cadre moderne
– attribution proposée par le Docteur David Dotti en 2012.
Fils cadet du grand Jacopo Bassano, et frère de Francesco, Leandro se forma dans l’atelier du père. Dès 1575, lors du départ de son frère aîné pour Venise, il devint un assistant important dans l’atelier de famille. A la mort de Francesco, Leandro se rendit à Venise ou il matura un style proche du grand maître vénitien Tintoret et devint un portraitiste apprécié. Ridolfi le mentionne à Venise en 1577, ou il résida sans interruption jusqu’à sa mort, ayant été inscrit à la fraglia dei pittori veneziani dès 1588.
La carrière de Leandro est jalonnée de succès. à la fin du Cinquecento, il était reconnu comme l’artiste le plus important de Venise et son talent lui vaudra l’honneur d’être anobli du titre de cavaliere (chevalier) par le Doge Marino Grimani.
En 1771 Zanetti le définit comme « un digne imitateur et disciple du père, suivant toutefois plutôt la seconde que la première manière ».
dans ses œuvres on peut observer une manière plus dessinée et des coups de pinceau filandreux, bien différents, comme le note Arslan, de ” la frappe franche et robuste ” de son père et de ” celle, vacillante, de Francesco ». Nous pouvons donc constater une orientation stylistique différente de celle de la tradition familiale; Leandro laisse de côté la peinture du toucher et de la « tache ».
Parallèlement aux commandes officielles, Leandro se spécialise aussi dans le domaine du portrait ou il dépasse les formules stylistiques typiques du maniérisme vénitien, pour évoluer vers un style caractérisé principalement par une plus profonde analyse du sujet, souvent représenté dans son intérieur, entouré de ses objets familiers.
Leandro atteint une extraordinaire renommée en tant que portraitiste, ce qui lui permet d’exprimer une sensibilité particulière et de bénéficier des éloges de Carlo Ridolfi, qui le décrit comme ” particulièrement excellent dans les portraits “, dont la beauté ” était prêchée par l’universel “. À la différence du Titien, Leandro a représenté des médecins, des marchands, des juristes, des frères dominicains, des musiciens et des artistes, ce qui lui a permis d’avoir une facilité descriptive et une sincérité peu communes; par analogie avec les œuvres de Moroni et en regardant des exemples d’au-delà des Alpes, Leandro a réussi a saisir le caractère physique et moral du sujet, situé dans sa réalité concrète.
Le présent tableau, datable autour de 1590, est caractérisé par la minutieuse description de l’intérieur du cabinet privé du lettré : les détails dorés, le fauteuil sculpté et les livres en cuir usés sur le fond relèvent de la fort attention aux détails et à l’environnement privée du personnage représenté.
Assis sur un fauteuil en velours bordeaux, le prélat est représenté de trois quart, la main gauche glissé sur le bras du fauteuil, la tête tournée vers le spectateur.
Même si l’identité de l’effigié reste inconnue, la bibliothèque pleine de volumes bien rangés et finement reliés en cuir, permet d’établir qu’il s’agit d’un homme de culture.
Le portrait peut être comparé avec différentes œuvres autographes de l’artiste comme le double portrait des collections Royales de Hampton Court et le portrait du Cardinal Giovanni Dolfin du Musée civico di Padova. Très similaire à notre tableau apparait aussi le portrait de la collection Brass: la position des deux protagonistes est la même, assis de trois quarts devant un rideau partiellement soulevé, la main posée sur le bras enroulé du fauteuil.
La représentation du personnage à trois quarts, le regard sévère tourné vers le spectateur, la lumière froide et lunaire, la palette chromatique aux tons acides mais aussi la description minutieuse de l’intérieur sont les chiffres stylistiques qui distinguent Leandro Bassano et témoignent du rôle de premier plan que le maître joua dans le domaine du portrait vénitien à cheval entre XVI et XVII siècle.
Bibliographie :
- C. Ridolfi, Le maraviglie dell’arte [1648], édité par D. v. Hadeln, II, Berlin 1924, pp. 165 ; 171
- A. M. Zanetti, Descrizione di tutte le pubbliche pitture della città di Venezia e Isole circonvicine, Venise 1733, ad vocem
- E. Arslan, I Bassano, Milan 1960, pp. 233