Provenance:
Private Collection of an architect from Orvieto (Umbria), Italy
La représentation du chien remonte à l’antiquité, quand les chiens, notamment les molosses étaient considérés comme des armes de guerre et utilises pour attaquer l’ennemi ou monter la garde pour protéger des lieux stratégiques. A l’entrée des villas de Pompei suffisait la présence d’une inscription « cave canem » pour décourager les voleurs potentiels.
A la Renaissance la figure du chien se charge de nouvelles significations.
La fidélité n’était qu’une des nombreuses Virtus attribués aux molosses : la bénignité, la force et la capacité de persuasion faisaient du chien le symbole des Virtus du prince.
Chef de troupeaux, le chien symbolisait également la Foix chrétienne et faisait référence allégoriquement au rôle du Prince en tant que Bon pasteur qui conduit son troupeau vers le Bien.
L’animal noble (la trilogie cheval – chien – oiseau de chasse) fait partie des éléments identifiants et identitaires de l’aristocratie médiévale ou moderne. L’animal est indispensable à une certaine ostentation aristocratique. Le chien est assimilé a l’homme qui l’arbore et dont il devient le prolongement. Il est alors investi d’une fonction de représentation : il incarne par sa valeur symbolique et pécuniaire comme pour son aspect et son caractère, le qualités de son maitre et il projette en retour sur son propriétaire celles que l’imaginaire collectif lui attribue.
Toutefois, il faut prendre en considération le chien non seulement comme compagnon de l’homme, ou élément de son environnement, mais comme individu à part entière, c’est-à-dire possédant sa propre noblesse, sa propre identité. Dans cette perspective le chien est envisagé comme « altérité absolue » avec laquelle l’homme développe et entretient des relations de réciprocité et interdépendance. Cet autre, offre à l’homme son propre reflet. Tantôt miroir déformant, tantôt représentation exemplaire, le monde animal est ainsi soumis à la hiérarchie qui caractérise la société humaine.
Les deux chiens à la musculature nerveuse et à la peau adhérente qui laisse voir les cotes, sont représentés assis de face, dans une composition austère et frontale qui fait allusion à leurs rôles de fidèles gardians.
Les têtes sont larges, les yeux bien distanciés, les membres longs et robustes ; les colliers épais et pointus réaffirment leurs forces.
Aucun autre idéale du Cinquecento arrivait à souder le concept de beauté avec celui de noblesse, d’élégance et renonciation aux biens terrestres. Le chien devait donc représenter l’animal idéal, synthèse harmonieuse d’honneur, fidélité, ténacité : caractéristiques essentielles pour être le serviteur idéal du bon prince.
Réalisée en pierre d’Istrie, la paire de molosses que nous présentons trônait vraisemblablement à l’entrée d’une villa aristocratique dans les alentours de Venise pour faire allusion aux vertus de force et détermination du Seigneur du château. Au cours du XV et du XVI siècle Venise devenait plus aristocratique et moins républicaine. L’aristocratie voulait afficher ses richesses et les chiens étaient le symbole d’un statut sociale élevé ce qui explique la prolifération des représentations canines dans les peintures et les sculptures de l’époque.
Objets de faveur et de prestige parmi les familles dirigeantes européennes, notamment les familles ducales italiennes, les chiens dévirent protagonistes de nombreux portraits. Parmi les plus mémorable, l’œuvre de Mantegna dans la Camera Picta (1465-1474) ou le chien préfère du marquis de Mantoue, Rubino, est assis sous sa chaise. La représentation de chiens témoigne d’une société en mutation et leurs nouvelle popularité reflétait une Venise de plus en plus fidèle aux idéaux aristocratiques.
Même le Granduc Cosimo II avait commandé au sculpteur animalier plus important de son siècle, Matteo Ferrucci del Tadda, un ensemble de 48 animaux, dont 11 chiens molosses en pierre (« cani grossi europei ») qui étaient destinés au nouvel amphithéâtre de Palazzo Pitti, réalisé entre 1611 et 1637 par Michelangelo Buonarroti. En 1661 les sculptures furent déplacées dans le Jardin de Boboli pour compléter le cycle allégorique célébrant les vertus de la famille et du prince.